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Les entreprises, de chrysalides à papillons ?


Les entreprises, de chrysalides à papillons ?

L'entreprise papillon Quand un dirigeant gagne le pari des équipes autonomes, Nadia Guiny, fondatrice du cabinet Ellyance(1), répond à nos questions dans cette nouvelle interview.


Sommaire :


  1. Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire cet ouvrage ?

  2. Qu’est-ce qui diffère le modèle managérial classique de celui d'entreprise vivante ?

  3. Combien de temps peut prendre cette « métamorphose » ?

  4. Quels sont les acteurs clés pour le développement d’une entreprise qui se réinvente ?

  5. Les entreprises françaises sont-elles en retard par rapport à d’autres pays concernant leur management ?

  6. Un conseil pour l’avenir ?


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1) Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire cet ouvrage ?


J’aime écouter les signaux faibles de la société. Ils sont comme une forêt qui pousse en silence. Evidemment, cela fait moins de bruit qu’un arbre qui tombe. Mais si on les observe attentivement, on voit les changements en cours. C’est ainsi que depuis une dizaine d’années, je sens une aspiration grandissante à changer le monde du travail, tant de la part des salariés que des dirigeants eux-mêmes, pour qui remettre l’humain au cœur de leur métier devient une préoccupation croissante. Ce que nous avons vécu collectivement depuis deux ans de pandémie a, me semble-t-il, accru ce désir chez nombre d’entre eux.


Ce chaos a été un accélérateur en termes de prise de conscience sur la place du travail dans nos vies et ce que nous voulons en faire. Lorsque j’ai fait la connaissance d’Antoine Blondel, fin 2017, j’ai rencontré un dirigeant en chemin. Il avait déjà décidé d’entreprendre une démarche de réinvention de son entreprise, Autonhome. Cette PME rouennaise, qui propose des services d’aide aux personnes à domicile, a été une pionnière en la matière dans son secteur d’activité. Il m’a demandé de l’accompagner, pour lui permettre, ainsi qu’à son équipe encadrante et à toutes ses équipes d’auxiliaires de vie, de continuer à transformer l’entreprise en organisation plus humaine et plus vivante, sur le modèle de Buurtzorg, le leader des soins à domicile aux Pays Bas.


L’entreprise papillon décrit cette aventure humaine incroyable, transformante pour tous les acteurs de l’entreprise. C’est le récit d’un pari fou : libérer une entreprise de ses carcans en partageant le pouvoir. Faire le pari de la confiance et permettre à l’ensemble des collaborateurs de grandir personnellement et collectivement, et de fonctionner en équipes autonomes et responsables. Il m’a semblé utile de partager cette histoire à travers un livre pour montrer qu’une démarche de réinvention est possible pour peu qu’on s’en donne les moyens. J’ai utilisé la métaphore de la mue imaginale qui permet à la chrysalide de se métamorphoser en papillon : devenir autre tout en étant la même entité, en obéissant à un appel intérieur impérieux.



2) Qu’est-ce qui diffère le modèle managérial classique de celui d'entreprise vivante ?


Nos entreprises fonctionnent encore pour la plupart sur le modèle pyramidal. Tout part d’en haut : l’analyse des situations, la recherche des solutions, la prise de décision, le contrôle… Dans ce modèle vertical, les décisions cascadent de niveau hiérarchique supérieur en niveau hiérarchique inférieurs jusqu’à s’imposer à la base. On est donc dans une logique d’exécution top down.

Un modèle taylorien qui se traduit par des organigrammes de type militaire, qui est notre modèle de référence, tellement intériorisé qu’il est rarement remis en question. Il génère des modes opératoires bien particuliers : des normes, des procédures en pagaille, des protocoles qui s’imposent et imposent un tempo lent, dommageable lorsque le changement rapide est nécessaire. Ces structures fonctionnent un peu comme des mammouths. Or on sait aujourd’hui qu’on peut aller vers autre chose en termes de gouvernance et de management.


Illustration extraite de L’entreprise papillon




Illustration extraite de L’entreprise papillon – Ed. EMS 2020






L’approche circulaire s’inscrit dans une logique d’attention à l’autre qu’on peut traduire de différentes façons : « se mettre au service de / faciliter le travail de /prendre soin de ». Concrètement, comment ça marche ? Chaque cercle extérieur se met au service du cercle intérieur le plus proche. En quelque sorte, on inverse le rapport hiérarchique habituel puisque, plus on est positionné « haut » dans la hiérarchie (cercles extérieurs), plus on se met au service du cercle intérieur immédiat, pour faciliter le travail de l’échelon du dessous, le tout au service du client. Ce type de fonctionnement génère évidemment des résultats différents : du service individualisé, de l’innovation, de la reconnaissance, de l’émulation, du plaisir, de l’engagement, de l’autonomie.



3) Combien de temps peut prendre cette « métamorphose » ?


Dans ces projets de transformations, on investit davantage de temps dans l’appropriation du changement culturel que dans le changement strictement organisationnel. Car les leviers du changement sont principalement humains. C’est en effet là que réside le plus gros réservoir d’énergie mais aussi de résistances. Passée la première étape d’euphorie liée à un projet d’entreprise plus humaine et plus vivante, l’étape de la mise en œuvre va confronter chaque niveau de l’entreprise à une perte de repères. On est sur des changements de paradigmes assez radicaux qui, aussi séduisants soient-ils (confiance, responsabilisation, développement du leadership individuel…) confrontent chacun à ses croyances limitantes, ses peurs, ses a priori, ses modes de communication, ses préférences comportementales, l’image de soi, l’estime de soi… Autant dire que l’accompagnement humain est indispensable !


Le temps humain du changement est long. Pour initier une démarche et commencer à en voir les premiers effets bénéfiques, il faut compter de neuf mois à un an. Ensuite, rien n’est gagné car l’autonomie des équipes est un processus et non un résultat acquis une fois pour toute. Cela devient une culture, un nouvel ADN qu’il convient de préserver, de développer. C’est un processus exigeant, coûteux en temps mais vertueux car il implique chacun et fait grandir toutes les parties prenantes.



4) Quels sont les acteurs clés pour le développement d’une entreprise qui se réinvente ?


Chacun compte, réellement. En effet, à tous les niveaux hiérarchiques et dans toutes les fonctions, chacun est appelé à s’engager, à se responsabiliser et sera reconnu pour ce qu’il apporte individuellement et collectivement. Mais partir la fleur au fusil peut se révéler risqué. Un préalable essentiel au lancement de ce type de démarche est la transformation du dirigeant lui-même. En effet, comment peut-il prétendre transformer son entreprise s’il n’a pas entrepris personnellement ce travail ? La première étape est donc assez intime car elle concerne le dirigeant en tant que personne avant même la fonction qu’il incarne.


Il gagnera à :


· Clarifier ses motivations ;

· S’assurer que sa raison d’être personnelle et son projet de réinvention sont alignés ;

· Balayer ses zones d’ombre et de lumière pour identifier ses croyances, ses biais cognitifs, ses préférences comportementales ;

· Mettre en mots son projet de transformation de l’entreprise pour pouvoir partager sa vision et créer du désir auprès de ses collaborateurs ;

· Comprendre que devenir un leader serviteur implique un changement de regard à 360°sur le pouvoir et la façon de l’exercer. Cela implique d’adopter une posture d’humilité car ce n’est plus le capitaine qui fait le bateau mais l’équipage.

· Permettre à ses collaborateurs d’oser leur potentiel individuel pour développer leur puissance personnelle et collective ;

· Se faire accompagner par un coach pour s’engager en conscience dans une aventure qui apporte de grandes joies mais aussi des vicissitudes, des doutes et de sacrées remises en question !

Lorsque le dirigeant a effectué sa mue, il peut alors engager son entreprise dans l’aventure.



5) Les entreprises françaises sont-elles en retard par rapport à d’autres pays concernant leur management ?


Notre héritage historique déteint sur notre façon de gouverner et de manager : un pays jacobin hyper centralisé, des décisions prises par quelques-uns placés en haut de l’édifice, confondant souvent la carte et le territoire. Mais cela change peu à peu. Les mouvements EVH(2), Toscane, Les leaders éclairés, sont autant d’espaces où se rencontrent des dirigeants désireux de faire évoluer leur entreprise. Dans les démarches de réinvention, la France me paraît plutôt en pointe. Des entreprises pionnières telles que Favi, Poult, Chronoflex, Auchan, Michelin, Maif, Decathlon se sont lancées avec succès. Mais aussi Haute -Savoie habitat, GT solutions et bien sûr Autonhome à Rouen.


A l’étranger, le cas Buurtzorg est tout à fait remarquable, passé en quelques années, d’une poignée de salariés à plus de dix mille, organisés sur le modèle des équipes autonomes. Il essaime d’ailleurs en France à travers le collectif L’humain d’abord(3). Cette démarche concerne également des organisations du secteur non marchand : Sécurité sociale belge, hôpitaux, quelques municipalités…

Les dirigeants qui font ce pari audacieux bénéficient souvent d’un intérêt marqué de la part des médias. On peut s’en réjouir car leur exemple inspire et, en même temps, c’est révélateur du côté encore exceptionnel de ces démarches.



6) Un conseil pour l’avenir ?


Le pire moment est souvent le meilleur moment pour évoluer car, alors, on a plus à gagner à se transformer qu’à perdre en restant dans sa zone de confort. Saisissons l’opportunité des crises qui nous bousculent depuis deux ans pour marquer un tournant décisif. On a beaucoup parlé du monde d’après en l’appelant de nos vœux. Il est là et nous tend les bras. À nous de nous en saisir en faisant évoluer nos paradigmes, en changeant radicalement la façon dont nous envisageons la gouvernance et le management, en redonnant une place aux femmes et aux hommes qui composent l’entreprise sans qui elle n'est qu’une coquille vide. Je crois que les dirigeants ont le pouvoir de changer le monde en se mettant à l’écoute de ce qui les appelle et en alignant qui ils sont en tant que personne avec leur fonction de leader au sein d’une entreprise, d’une association, d’une commune… Et si c’était le moment d’apporter leur pierre à l’édification d’organisations plus humaines et plus vivantes ? De permettre à leurs entreprises de passer de chrysalides à papillons ?


(1) www.ellyance.fr (2) Mouvement Pour des entreprises vivantes et humaines (3) https://www.collectiflhumaindabord.fr/



Guiny N., L'entreprise papillon



Guiny N., L'entreprise papillon, Ems management et société, septembre 2020.


Une interview de Nadia Guiny par Tiphaine Rabolt pour FoxRH.






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