Voici l'interview du Dr Philippe Rodet Co-auteur d'un ouvrage toujours aussi d'actualité.
Sommaire :
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Qu’est-ce que le management bienveillant ?
Vous associez le management bienveillant à la notion de confiance. Dans un contexte de travail à distance, cette association peut-elle/ doit-elle évoluer ?
Selon vous le télétravail peut-il être en lui-même un levier du management bienveillant ?
Management bienveillant et productivité font ils bon ménage ?
Quels sont les pièges du management bienveillant ?
1- Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Lors de mon métier premier, la médecine d’urgence, j’ai vu les conséquences parfois dramatiques de la souffrance au travail. Au bout d’un certain temps, j’ai eu envie d’agir en amont. J’ai alors cherché des pistes susceptibles de diminuer le stress des collaborateurs et de faciliter la réalisation de soi chez ceux-ci. Très vite, je me suis aperçu qu’il s’agissait là de comportements bienveillants.
A travers ce livre, j’ai souhaité montrer que les leviers de la performance d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, le travail a changé et le management doit s’adapter.
2- Qu’est-ce que le management bienveillant ?
Il s’agit d’un management qui va diminuer le niveau de stress et augmenter la motivation, c’est à dire le désir de bien faire, de réussir, de se dépasser.
Or, dans notre pays, en dix ans (2008-2018), le pourcentage de personnes se sentant stressées est passé de 40 à 64%. Dans le même temps, le pourcentage de collaborateurs très motivés est passé de 42% à 28%.
Il convient de remarquer que la pandémie que l’on traverse a encore amplifié ces deux maux puisque, selon une enquête réalisée par OpinionWay en avril 2020, le pourcentage de personnes stressées a augmenté de 10% et le pourcentage de collaborateurs motivés a baissé de 25%.
L’évolution défavorable de la motivation quand le stress augmente est assez logique tant d’un point de vue biologique qu’épigénétique. Lorsque le stress augmente, une hormone utile à la motivation est moins présente, la motivation diminue donc. En outre, quand le stress augmente, un gène qui code pour une protéine d’un récepteur d’une hormone de la motivation va coder par défaut rendant le récepteur moins efficace…
Le management bienveillant va chercher à augmenter les émotions positives (en aidant à voir le sens du travail, en fixant des objectifs qui soient des « défis possibles », en accordant un juste niveau d’autonomie, en formulant des retours positifs…) et à diminuer les émotions négatives (en cultivant le sentiment de justice, en évitant le manque d’empathie, en transformant l’incohérence en cohérence, en mutant le pessimisme en optimisme…).
Plusieurs études montrent que les leviers qui augmentent les émotions positives et ceux qui diminuent les émotions négatives réduisent le niveau de stress, renforcent la créativité, améliorent la cohésion et la motivation.
Ce qui est logique car l’augmentation des émotions positives et la diminution des émotions négatives va favoriser la libération de deux hormones, l’ocytocine et les endorphines. Or, l’ocytocine diminue le niveau de stress, renforce la créativité, la cohésion, la confiance en soi et vis-à-vis d’autrui, la persévérance… Quant aux endorphines, elles rendent possible la sécrétion de dopamine, hormone de la motivation. La physiologie vient donc conforter la psychologie en quelque sorte !
3- Vous associez le management bienveillant à la notion de confiance. Dans un contexte de travail à distance, cette association peut-elle/ doit-elle évoluer ?
La reconnaissance à travers les retours positifs, la réussite d’objectifs qui soient des « défis possibles », le fait d’accorder un juste niveau d’autonomie, de prendre le temps d’expliquer le sens… vont bien favoriser la confiance.
Le management bienveillant va favoriser la confiance en soi et vis-à-vis des autres. Dans le contexte actuel, la confiance doit être encore plus importante afin de rendre le travail à distance optimal ou, pour le moins, possible.
4- Selon vous le télétravail peut-il être en lui-même un levier du management bienveillant ?
Un juste niveau de télétravail peut être perçu comme une part d’autonomie supplémentaire et peut donc contribuer à un management bienveillant. J’insiste toutefois sur le « juste niveau » car un excès de télétravail risquerait d’altérer les liens sociaux, le collectif de travail et, là, ne serait plus bienveillant.
5- Management bienveillant et productivité font ils bon ménage ?
Si l’on a des collaborateurs moins stressés, en meilleure santé donc, et qui ont envie de bien faire, la performance sera plus grande.
Parfois, on a tendance à confondre bienveillance et laxisme, ce qui fait penser que la bienveillance ne peut pas être source de performance.
C’est une confusion !
La bienveillance demande des efforts aux managers comme aux collaborateurs, sinon, il n’y aurait pas de réalisation de soi et donc pas de bienveillance.
Dans un Groupe qui a formé plus de six mille de ses managers, le pourcentage de collaborateurs très motivés, estimés par un institut de sondage quatre ans après le lancement de l’initiative, était de 51% quand il est à 28% au niveau national…
6- Quels sont les pièges du management bienveillant ?
Je ne pense pas que le management bienveillant comporte des pièges.
Il a cependant deux difficultés.
La première est que, dans la mesure où il s’agit de faire évoluer des comportements, il faut transformer les formations classiques en actions en trois temps : sensibilisations, incitations et rappels.
La deuxième résulte dans le temps nécessaire à la perception des changements. On ne mesure pas les effets de changements de comportements en quinze jours.
Une interview de Philippe Rodet par Sandra Deunier
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