Nombre de recruteurs pensent ou disent que recruter une personne en situation de handicap, c’est difficile. Lors de nos réunions dites « de sensibilisation réciproque », chez many rivers, nous faisons se croiser les regards de représentants de chercheurs d’emploi en situation de handicap, de centres de formation, d’organismes d’accompagnement, et bien sûr d’entreprises.
1/ « On ne recrute pas de handicap, nous, on recrute des compétences »
En premier lieu, il faut rappeler que handicap, compétences, et candidat forment un tout, un lot qui « ne peut être vendu séparément ». Hélas.
Par ailleurs, environ 80% des chercheurs d’emploi en situation de handicap ont un niveau de formation initiale inférieur ou égal au bac. Cela semblerait un petit frein, si…
Si l’offre de formation dédiée aux travailleurs handicapés n’était pas si souvent en décalage avec les attentes des entreprises. Une meilleure coordination permettrait de fluidifier ce bouchon qui se forme après l’obtention d’un CQP ou d’un diplôme
Si la nécessité d’un diplôme ne se doublait pas de l’exigence d’une expérience. Or, pour intégrer une entreprise, il faut dans la plupart des cas une certaine expérience sur le poste à pourvoir ; et attention, 6 mois de stage dans le cadre de la formation ne constituent pas vraiment une expérience.
Si le parcours de reclassement n’était pas si long, faisant dire au recruteur « waouh ! 3 ans sans activité professionnelle ?! Mais vous faisiez quoi pendant ce temps ? »
2/ Nous sommes porteurs d’un handicap, mais NOUS NE SOMMES PAS un handicap !
Autre frein sur lequel les échanges "many rivers" se portent souvent : L’image du handicap, assez ambigüe, dans la tête du recruteur/manager et dans celle du candidat
Pour un manager, qui doit assurer la productivité de son équipe tout en tenant compte des possibilités de chacun, l’idée d’intégrer une personne handicapée le fait frémir : « il/elle va me ralentir ! ». Peu sensibilisé, par manque de temps et on le comprend, il fait un lien direct entre handicap et inadaptation sociale, ou handicap et lenteur.
De son côté, le candidat, peu au fait des réticences de l’entreprise en termes d’emploi de personnes handicapées, peu conscient de ses propres préjugés, montre parfois un manque de réactivité, ou au contraire se veut exagérément perfectionniste. Exemples ? Une personne en période d’essai dans un organisme de gestion,après carrière dans l’industrie et reconversion dans la comptabilité. Habitué à rester silencieux et concentré sur sa ligne de production, notre candidat, appelons-le Michel, se tient de même, silencieux et concentré, ignorant les appels au « bavardage » de ses collègues ; collègues qui, soit dit en passant, sont placés de telle façon que Michel leur tourne le dos, pas le choix. Jugé comme ayant du mal à s’intégrer, Michel se verra signifier la fin de sa période d’essai. Une autre candidate, soucieuse de bien démontrer qu’elle est « handicapée - mais pas que », se donne à fond dans son travail pour briser la barrière des préjugés et … tombe malade au bout de quelques semaines, épuisement professionnel.
Enfin, presque toujours, lors des échanges organisés par , nous réalisons que chacun des acteurs ignore les « préjugés » des autres : ce qui rend d’autant plus difficile d’obtenir un dialogue de qualité entre les différents acteurs du recrutement.
Exemple d’un sondage effectué lors d’une matinée de sensibilisation réciproque :
(Les colonnes en vert et en bleu comptabilisent les suffrages des deux parties pour chaque proposition de réponse)
De nombreuses difficultés sont ainsi passées en revue, rencontre après rencontre ; rien de tel que le dialogue pour faciliter les prochains parcours, de recrutement / de candidature.
Anne Pauline Arène responsable pédagogique du centre de formation Many Rivers spécialisé dans l'accompagnement de travailleurs en situation de handicap.