
Le focus France de l’étude Disconnect d’ADP confirme un déficit de lien social. Avec seulement 24% des salariés «extrêmement ou très satisfaits» de la fonction RH, cette étude révèle qu’elle doit reconstruire la confiance des salariés dans leur entreprise. L’analyse fournie dans le livre blanc réalisé par ADP, enrichie des éclairages de DRH, contribue à cette ambition. Patrick Bouvard, rédacteur en chef de RHinfo, média de communication RH d'ADP, nous éclaire à travers quelques réflexions sur les enjeux liés à cette étude.
Comment peut-on expliquer ce « fossé », cette incompréhension (qui n’est pas nouvelle) entre fonction RH et collaborateurs de l’entreprise ?
L’incompréhension est constatable entre fonction RH et collaborateurs, mais plus largement encore aujourd’hui entre l’entreprise et ses salariés. Les causes, dans leur détail, sont très nombreuses, parfois très anciennes, combinées en un système trop complexe pour être déchiffré ici en quelques lignes. Pour le dire en une formule forcément simplificatrice : le monde a plus changé dans les 10 ans qui viennent de s’écouler que dans le reste de l’histoire de l’humanité… et la plupart des entreprises, non : elles restent sur des modèles surannés. La révolution digitale, combinée à une évolution sociétale sans précédent, changent le sens même du rapport au travail et aux organisations, à la production et à l’innovation. Autonomie, coopération, confiance, responsabilité sont aujourd’hui les maitres mots de collaborateurs qui veulent n’avoir qu’une vie. Les entreprises, elles, en sont encore à s’interroger sur « l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée » sur un mode « command and control », et les RH pensent que le digital est une « problématique technologique » ! Le hiatus est inévitable !
Quel(s) est(sont) le(s) point(s) prioritaire(s) sur le(s)quel(s) les directions RH doivent se concentrer pour améliorer l’organisation de leur département et in fine leur relation avec les collaborateurs de l’entreprise ?
Les Directions des Ressources Humaines doivent comprendre que ce n’est pas une question d’outils et de processus. C’est une nouvelle culture d’entreprise qui est en train de se profiler, qui va changer de l’intérieur le sens des outils et des processus. On aura toujours besoin de recruter, d’intégrer, de payer, de former, de développer, de reconnaître, etc… La question est de savoir quelles sont les formes nouvelles que cela peut prendre aujourd’hui pour s’adapter à la fois aux attentes des salariés et aux besoins de entreprises. Prenons une analogie : ce ne sont pas le poinçon, le râteau et la bêche qui font la fécondité du jardin, c’est la combinaison de la nature et du talent du jardinier qui utilise ces outils en s’adaptant à chaque fois. C’est son art qui permet à la terre de libérer toutes ses forces, malgré maints aléas, par le soin qu’il lui prodigue. Les DRH doivent œuvrer : non pas à tenter de remettre l’homme au cœur de l’entreprise, comme ils le font vainement depuis 30 ans, mais pour remettre l’entreprise dans le cœur de l’homme. Révolution copernicienne s’il en est !
Le manque de communication est souvent cité pour expliquer ces incompréhensions.
Pensez-vous qu’il est temps pour la fonction RH de se saisir des enjeux de communication interne ?
La communication est un moyen, pas une fin ! Devenir propriétaire d’un journal ne nous a jamais indiqué ce qu’il fallait écrire ! C’est en fédérant le capital humain autour d’un projet d’entreprise, et du sens qui en fait un bien commun à long terme, que la RH va gagner en transparence et va trouver la voie (la voix) pour s’adresser aux différents acteurs de l’entreprise. Là où le sens vient à s’affadir ou à disparaître, la communication sera toujours contre productive, d’où qu’elle vienne !
Seulement « 14% des salariés recommanderaient leur entreprise ». Peut-il y avoir de la performance sans engagement ?
Si vous avez besoin d’une performance financière de court terme, oui ; c’est bien le drame ! Mais si vous voulez être là demain et après-demain, non.
La fonction RH doit-elle prendre LE tournant stratégique au risque de disparaitre au profit des autres fonctions ? En conséquence, comment voyez-vous la fonction RH dans 10 ans ?
Ce sont les entreprises qui doivent prendre le tournant stratégique. Les modes de compétitivité ont évolué : Il ne suffit plus de tirer la compétitivité vers le toujours plus en trouvant de nouveaux marchés, de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux partenariats, de nouvelles coalitions, de nouveaux modes d’organisation, des sources de production plus performantes, moins chères, etc. Il ne suffit-il plus de trouver des innovations au travers d’un service Recherche & Développement, pour faire vivre et durer en parallèle une production classique ! C’est désormais tout le modèle de l’entreprise qui doit être innovant. Son business model doit avoir l’innovation permanente comme principe structurant. Ce principe, dans une entreprise désormais apprenante, ne repose pas d’abord sur la puissance financière, sur les supports technologiques ou sur la force de frappe commerciale, ni sur aucune autre fonction ; il repose sur la richesse et le dynamisme du capital humain, au travers de l’intelligence individuelle et collective de ses salariés, de leur puissance de réseau intelligente et de leur agilité organisationnelle ; sur leur aptitude à sans cesse développer des potentiels en les transformant en force de réalité innovante et productrice. Si la fonction RH – en charge du capital humain – se saisit aujourd’hui de ce levier pour fonder sa justification et son efficience, alors c’est elle qui dans dix ans sera au cœur de l’entreprise comme interlocuteur clé de tous les acteurs, du salarié jusqu’à l’actionnaire.
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